Comment je suis arrivée à l’IFS
J’ai 48 ans, mariée, 2 enfants. Je suis cadre hospitalière.
J’ai été confrontée il y a une dizaine d’années à ce qu’on appelle « un drame familial ». Ma jeune sœur a développé un cancer du sein pendant sa seconde grossesse et est décédée après 5 ans de chimiothérapies successives. Cette période douloureuse m’a conduite vers la psychothérapie d’inspiration psychanalytique. L’objectif était de m’accompagner mais également de m’aider à juguler des troubles somatiques qui étaient apparus dans le même temps et pour lesquels la médecine n’avait aucune explication. Les psychologues que j’ai rencontré alors m’ont aidée à soulager des angoisses, m’ont éclairée sur bien des points de ma personnalité, ont fait évoluer certaines de mes représentations. Par contre, ce travail n’a eu aucun effet sur mes problèmes somatiques. J’avais en particulier des troubles de la motricité qui devenaient invalidants au fil du temps et qui m’inquiétaient. Mais compte tenu du contexte familial, leur origine semblait évidente. Ce que je recherchais à l’époque n’était pas tant un diagnostic qu’un moyen de me soulager sur le plan fonctionnel. Mais ni les médicaments, ni les massages, ni les exercices de kinésithérapie ou de relaxation ne m’amélioraient efficacement.
Un médecin spécialiste en maladies rares, diagnostiquant un trouble somatique probablement sans étiologie autre que psychique, m’a ainsi orientée vers l’hypnose. L’hypno thérapeute qui m’a suivie à ce moment ne me convenait pas. A chaque séance elle essayait un nouveau « truc » mais cela n’avait aucun effet. Un jour pourtant, elle m’a dit « il y aurait bien l’IFS… » Elle a mené la séance en me faisant réfléchir sur des « parties » en moi qui se manifestaient quand j’étais en difficulté pour marcher. J’ai été assez intriguée par cette méthode. Je me suis sentie, effectivement, habitée par différentes parties qui pouvaient, selon le moment, avoir de l’emprise l’une sur l’autre et au final m’empêcher d’agir. J’abordais donc la séance suivante pleine d’espoir, mais la thérapeute passait déjà à une autre technique. Se sentant démunie, elle m’a orientée vers un soma thérapeute. Dépitée, je me suis mise en quête d’un psychothérapeute qui pratiquait l’IFS. Pour moi, c’était évident, j’allais avancer (au propre comme au figuré) avec cette méthode. Il devenait urgent de trouver une solution car j’avais de plus en plus le sentiment que mon corps devenait un carcan dans lequel je n’arrivais plus à bouger et j’étais très déprimée. Au bout de plusieurs semaines, j’ai obtenu un rendez vous avec une psychologue clinicienne qui utilisait le modèle IFS. Cela fut le début d’une longue histoire puisque je suis actuellement dans la quatrième année de thérapie avec elle.
IFS avant le diagnostic et aide au diagnostic
Pendant les séances, nous avons dans un premier temps exploré les sentiments que j’éprouvais lors de mes déplacements difficiles. J’avais, en effet, à la fois honte de l’image que je renvoyais et j’étais en colère de ne pas pouvoir améliorer la situation. J’avais beau essayer de me raisonner, les troubles étaient bien ancrés. Ainsi, nous avons pu identifier différentes parties de moi et mener un travail sur celles-ci. Cela m’a emmené bien loin de ma problématique initiale. Par exemple, cette honte et cette colère m’ont amenée à reconnaitre la petite fille de 8 ans que j’avais été, petite fille blessée qui avait encore des choses à dire. Une partie de moi voulant la protéger de nouveaux déboires me la rendait jusqu’alors inaccessible. Mais l’adulte que je suis devenue l’a rassurée : j’étais dorénavant capable de gérer ce genre de problème et elle pouvait être en paix. Au fil des séances, j’ai ainsi voyagé à travers les âges de ma vie. Avec l’aide de ma thérapeute, nous avons rassuré l’adolescente mais également le bébé que j’avais été. Ils veillent, tranquilles, quelque part au fond de moi. Au fur et à mesure, c’était moi, la personne que je suis actuellement et que je désire être qui prenait le contrôle. Je me sentais libérée des carcans qui initialement semblaient m’empêcher de marcher et je marchais d’ailleurs beaucoup mieux, à la surprise de mon entourage. Même si je n’ai pas récupéré toute ma motricité, J’ai donc regagné en autonomie et j’ai repris confiance.
Ainsi, j’ai pu également évoluer vis-à-vis des médecins qui me suivaient et m’affranchir des certitudes médicales qui étaient aussi devenues les miennes: mes troubles étaient purement psychiques à expression somatique. Paradoxalement, retrouvant une liberté d’esprit, voici que je commençais maintenant à ressentir des troubles de l’élocution. J’avais très peur de ce phénomène.
Après 5 ans d’errance médicale, je souhaitais donc passer de nouveaux examens médicaux et rencontrer d’autres spécialistes mais je n’osais pas prendre les rendez-vous. D’autant plus, que mon entourage pensait que cela ne servirait à rien sinon à me rassurer. J’ai dû alors travailler sur cette partie de moi qui inhibait toute tentative de démarche. J’ai découvert qu’elle me rendait service en m’évitant d’être à nouveau blessée. De fait, je me sentais toujours traitée avec condescendance de malade imaginaire. J’ai pu alors entrer en contact avec ma capacité à me sentir calme, légitime, dans mon désir que mes symptômes soient sérieusement pris en compte, avec une éventuelle étiologie somatique, avant d’affirmer qu’elle ne soit que psychique. Cela m’a permis d’avoir enfin un diagnostic : je souffre d’une maladie neurodégénérative spino-cérébelleuse très rare, lentement évolutive dont on ne connait pas la cause et pour laquelle il n’existe pas de traitement. C’est en ces termes que l’on me l’a annoncé. Des mots qui font peur. Mes troubles de la motricité et de l’élocution ont donc une origine organique fondée.
Je suis donc passée du jour au lendemain d’une personne valide qui avait des troubles psychiques à expression somatique à une personne porteuse d’une maladie grave qui allait progressivement devenir physiquement invalide et perdre la parole.
IFS après le diagnostic
Cette période fut très difficile, cela remettait en question ma façon de voir l’avenir proche et lointain, pour moi et ma famille. Dans le même temps, mes troubles de l’élocution devenaient audibles pour tous et l’image que je renvoyais m’était difficilement supportable.
Le modèle IFS me fut là encore d’un grand secours. Ce diagnostic a créé en moi de nouvelles parties. Elles m’empêchaient de vivre sereinement : une partie voulait que j’adhère d’emblée au discours médical : « Comment vous travaillez donc encore ! ». Je devais organiser ma vie sans fatigue et sans stress ; ce qui était en totale opposition avec ce que je souhaitais et ce que je me sentais capable de faire. Une autre partie était axée sur la perte de dignité liée au handicap et avait envie de faire comme s’il n’existait pas. En effet, dans cette société qui court après la performance, comment garder sa place quand on a des difficultés pour marcher, pour écrire et pour parler ? Or ignorer mes difficultés contribuait à les majorer.
L’IFS m’a aidée à me respecter comme je suis, mais aussi à me faire confiance, en développant mes propres capacités créatives afin de poursuivre une vie qui continue à avoir du sens pour moi. L’objectif est de ne pas me laisser envahir par les contraintes de la maladie mais de composer avec elles. Ainsi, je considère chaque professionnel qui m’entoure (kinésithérapeute, orthophoniste, psychologue, médecin) comme un partenaire pour rechercher ensemble les moyens de maintenir mon autonomie.
Finalement, dans la vie de tous les jours, les gens sont surpris dans un premier temps et s’interrogent sur la façon dont j’habite mon corps. Puis, ils me renvoient une image positive de moi et non de mes difficultés. Professionnellement, je tiens toujours ma place et j’assume de mieux en mieux mon handicap. Et en ce qui concerne mes proches, ils semblent rassurés par ma façon de gérer ma maladie. Son évolution reste incertaine mais je l’aborde plus sereinement car je deviens capable d’utiliser peu à peu le modèle IFS comme un outil d’introspection. Je reconnais les différentes parties qui, par moments, viennent m’envahir et me dominer. J’arrive la plupart du temps à ne pas me laisser diriger par elles en les rassurant de ma capacité à faire face à l’adversité.
Grace au modèle IFS, je me suis découvert beaucoup de ressources. Elles m’ont amenées jusqu’ à oser ce témoignage!